Jaunisse : La génétique pour bien gérer l’après néonicotinoïdes

En janvier 2023, la cour de justice Européenne a pris la décision d’interdire l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semence y compris sur dérogation. Cet arrêt fait peser un grand risque pour les agriculteurs et les acteurs de la filière. Pour nos sélectionneurs, cette décision arrive un an plus tôt que prévu, et si la génétique progresse sur le sujet il faudra encore combiner les leviers pour 2024.

Interview de Jan Sels, Responsable de la sélection pour la France.

Pouvez-vous revenir sur la situation jaunisse cette année en France ? La pression jaunisse reste faible et globalement maîtrisée cette année excepté dans le Sud de Paris ou des parcelles ont été touchées à plus de 50 %. Selon l’ITB, la maladie concernait mi-juillet 43 % des parcelles du réseau d’épidémiosurveillance avec 1,3 % de la surface parcellaire touchée. Situation différente de celle de 2020, très précoce aussi bien en termes d’apparition des symptômes que de gravité et qui avait réduit d’un tiers les récoltes.

Quelle est votre solution pour réduire la perte de rendement ? Chez SESVanderHave, nous privilégions, dans un premier temps, la sélection de variétés productives avec une tolérance modérée à la jaunisse. Des variétés plus tolérantes ont néanmoins été identifiées mais leur productivité reste encore trop faible. Dès 2026, des variétés issues du programme de sélection spécifique à la jaunisse arriveront sur le marché et amèneront une tolérance renforcée. Ces variétés ne seront pas totalement résistantes, elles pourront présenter des symptômes mais limiteront significativement les pertes de rendement même en cas de fortes pression.

SESVANDERHAVE ET L’IfZ ONT IDENTIFIÉ UN GENE DE RESISTANCE AU VIRUS (BChV) DE LA JAUNISSE DE LA BETTERAVE

Quelles sont vos avancées génétiques sur ce critère jaunisse ? Grâce à notre collaboration avec l’Institut de recherche sur la betterave sucrière allemand (l’IfZ), nous avons récemment identifié un gène de résistance au virus BChV (le Beet Chlorosis Virus) de la jaunisse de la betterave sucrière. Nos récentes recherches ont permis de démontrer que les facteurs de sensibilité aux virus de la jaunisse de la betterave sucrière peuvent être efficacement désactivés pour générer une résistance aux virus. Ces travaux permettent d’identifier spécifiquement les variations naturelles dans le patrimoine génétique de la betterave sucrière et de les rendre utilisables pour la culture en temps utile.

Comment cette désactivation de gène est-elle réalisée ? Cette désactivation de gène est une opération complexe. En effet, en partant de travaux sur base cellulaire puis sur plante entière, le gène identifié, rendu inopérant, prévient de manière importante l’implantation d’un des deux polérovirus (le BChV) et donc sa multiplication dans les cellules de betteraves.

Pourquoi avez-vous choisi de ne pas breveter votre découverte ? SESVanderHave et l’IfZ ne détiennent aucun brevet sur le gène identifié et s’engagent à partager leurs résultats avec l’ensemble de la communauté scientifique et de sélection. SESVanderHave a choisi
de ne pas breveter les gènes natifs, qui ne sont pas considérés comme des inventions dans l’Union Européenne. Nous pensons que cette approche stimulera d’autres recherches, profitant ainsi à l’ensemble de la filière dans un objectif commun de proposer des solutions viables face à la jaunisse.

Que va apporter cette découverte ? SESVanderHave a investi et continue d’investir de manière signifi- cative dans la recherche sur ce sujet important et s’engage à poursuivre les développements par des investissements continus. Cette découverte offre un grand potentiel pour les programmes de sélection de la betterave sucrière dans le monde entier. L’identification d’un tel gène de résistance offre la possibilité d’effectuer une recherche ciblée des variantes de ce gène dans le matériel génétique de la betterave sauvage. Elle permet également d’identifier des gènes ayant des fonctions similaires. Ce type d’avancées nous permet de réduire de 40% le temps de développement de nouvelles solutions génétiques.

Quand ces génétiques pourront-elles être disponibles ? Bien que SESVanderHave ait anticipé, il faut encore attendre quelques années afin de profiter de ce gène de résistance dans les variétés commerciales.

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