Combiner les tolérances : Un défi pour les sélectionneurs !
Pour différentes raisons liées au contexte pédoclimatique, à la rotation et à d’autres facteurs encore la betterave se trouve exposée à un certain nombre de pathogènes au cours de son cycle de végétation. Nous avons évoqué dans un article précédent la pression croissante de cercosporiose, mais bien d’autres agresseurs sont identifiés !
Interview de Paul Edeline, Chef produit pour la France.
Quels sont ces agresseurs ? Les nématodes par exemple se sont fortement développés au cours des dernières décennies et représentent plus d’une parcelle sur trois en France. La Forte Pression Rhizomanie (FPR) est devenue presque un standard au Sud de Paris. Enfin, il est des cas où les pressions se combinent et où l’on peut retrouver différentes combinaisons de pathogènes sur la même parcelle. C’est alors une forte pression sur la génétique ! Car si en effet la rotation ou quelques mesures agronomiques permettent de réduire les pressions de pathogènes inféodés au sol, le maintien de la productivité dans les parcelles concernées passe en grande partie par la génétique.
Mais est-ce possible de cumuler autant de tolérances sans préjudice sur le rendement ? C’est l’un des principaux défis des sélectionneurs : ajouter des tolérances est toujours possible. En revanche chaque nouvel ajout peut peser plus ou moins fortement sur le potentiel de la variété, d’autant plus lorsque nous arrivons sur des produits très techniques combinant de multiples tolérances. Cela nécessite plusieurs cycles de rétrocroisements pour aboutir à des hybrides cumulant productivité avec toutes les tolérances recherchées. C’est pour cette raison notamment que la proposition de variétés tolérantes aux maladies du feuillage prend souvent plus de temps sur des segments de variétés doubles tolérantes aux nématodes ou FPR nématodes.
Pour autant le travail porte ses fruits et aujourd’hui un planteur concerné par les nématodes, la FPR ou les deux dispose d’un choix variétal tout à fait intéressant d’un point de vue productivité ou tolérance à la cercosporiose. C’était très important pour nous de combler rapidement ce gap puisque dans la pratique les exploitations concernées par les nématodes sont soumises au même risque cercosporiose que les autres.
Comment sont sélectionnées de telles variétés ? Vous sélectionnez donc dans des parcelles aux infestations multiples ? Non, les tolérances sont sélectionnées séparément et nous avons un objectif par essai. La cercosporiose nous en avons parlé. Il en va de même pour la FPR et les nématodes. La sélection initiale se fait en bio-essais spécifiques puis dans des parcelles uniquement concernées par une problématique. Cela permet de comprendre et d’identifier les gènes impliqués dans les différents mécanismes de tolérance. En parallèle, toutes nos variétés sont
testées dans des champs indemnes de tout pathogènes pour mesurer leurs potentiels de rendement. C’est donc un triple travail et toute une réflexion autour du réseau d’expérimentation pour pouvoir valider l’ensemble des caractéristiques d’une variété. Ainsi chaque année en France c’est près de 20 sites qui sont semés et récoltés par nos équipes pour représenter toutes les conditions d’évaluation de nos hybrides.
C’est un gage de bonne compréhension de notre génétique mais également de sa plasticité. En procédant ainsi nous nous assurons que la variété soit d’un très bon niveau face à chaque pathogène, ce qui fait que nous pouvons ensuite la déployer face à l’un, à l’autre, ou les deux pathogènes concernés ! C’est une vraie sécurité pour l’agriculteur.
Quelle sera la prochaine étape ?Difficile de parler au singulier tant les défi s sont nombreux ! Stress abiotiques, bioagresseurs, ou encore technologies de désherbage! Si nous essayons de progresser sur tous les domaines, il convient parfois de prioriser. L’une des priorités du moment est d’apporter des réponses rapides face aux insectes vecteurs de différentes maladies sur la betterave. Nous constatons en effet qu’avec l’évolution climatique et le retrait régulier de matières actives la variété devra constituer un pilier de la résilience face aux insectes. Nos équipes travaillent donc depuis plusieurs années au déploiement de telles solutions, notamment face à la jaunisse véhiculée par les pucerons, ou encore le Syndrome des Basses Richesses (SBR) véhiculé par les cicadelles. La jaunisse concerne pour le moment surtout les pays d’Europe de l’Ouest, tandis que le SBR se rencontre principalement en Allemagne. Si les premiers résultats sont prometteurs nous devons encore les confirmer. Nous ne sommes donc pas encore au bout et la vie de sélectionneur s’apparente parfois à une
course contre la montre ! Pour autant nos chercheurs abordent tous ces défi s avec confiance et optimisme, notamment avec les nouveaux moyens de R&D offerts par la récente fusion avec DLF Seeds A/S présentée en préambule de ce numéro de SV&Vous.
A noter qu’à ce jour quel que soit le pathogène les variétés proposées sont des variétés tolérantes. Elles répondent à la majorité des situations rencontrées en France. Pour autant elles doivent s’inscrire dans une rotation raisonnée et une conduite adaptée qui permet de limiter au maximum la pression parasitaire dans les parcelles.